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Edification des végétaux Organogenèse

Les différents modes de construction d'un tronc Edification des végétaux Conclusion

Les arbres et la taille

Separation

Nous venons de voir que la construction des plantes répondait à des règles bien précises et que la forme d'un individu était le résultat de ce programme de développement modulé plus ou moins fortement par les conditions de croissance. Nous allons voir maintenant comment contraindre ce développement et quelles conséquences peuvent s'ensuivre.

Les objectifs et les actions

C'est la clef des solutions ou des ...problèmes ! Définir l'objectif de la taille, répondre à la question : pourquoi tailler ? va permettre d'entreprendre un raisonnement pour clarifier les actions à mener.
Il est bien évident que la taille en tant que telle (gratuitement !) ne se justifie en rien pour aider le développement des arbres. Ils se débrouillent bien sans nous.

Pourquoi tailler ?

C'est la cohabitation avec l'homme qui enclenche le processus de taille. La taille en arboriculture fruitière à des objectifs clairs : augmenter, réguler la production, faciliter la récolte. En foresterie, la taille, d'utilisation récente (à part l'élagage des branches mortes), vise à favoriser le développement d'un tronc haut et rectiligne, le plus longtemps possible et sans grosses branches (critères de qualité du bois). En environnement urbain (ou en parc) la taille vise à réguler, gérer les problèmes d'encombrement, de gêne, de voisinage de plantes à fort développement dans des volumes souvent exigus (problème du choix des essences par les gestionnaires pour les nouvelles plantations ?). L'aspect paysager de certains alignements ou ensemble d'arbres requiert aussi une taille suivie et régulière.
La sécurité, raison souvent invoquée, est sans doute l'un des problèmes les plus épineux... faisant le plus appel à la taille.

Quelle partie tailler ?

Pour discuter efficacement de cette question , il est préférable de travailler sur quelques cas d'école. En effet chaque situation demande une appréciation propre au contexte (diagnostic de l'arbre et de l'environnement).
Nous allons essayer de préciser à l'aide d'exemples, quelques résultats et idées des travaux de taille entrepris dans le domaine de la gestion des arbres avec un oeil de botaniste. C'est bien là le coeur du sujet, objet de dialogue ou de désaccord entre scientifiques et praticiens.

Comment tailler ?  planche 9

Sans reprendre les nombreux travaux sur la cicatrisation et sans entrer dans des querelles d'école, il convient cependant de faire quelques remarques sur quelques points particuliers de la biologie des arbres.
Premièrement, la gestion de parties mortes par un arbre est quasi continue tout au long de sa vie. L'organisme va isoler les parties mortes : les feuilles tombent chaque année ainsi que nombre de rameaux de petit diamètre. Ce phénomène de mise en place d'une barrière tissulaire conduisant à l'élagage naturel n'est pas général. Souvent la partie morte est isolée, comme tous les tissus nécrosés, mais ne s'élague pas ; c'est avec le concours de la croissance en épaisseur que "s'effacent" plus ou moins bien les traces des parties mortes. D'où la nécessité de ménager les zones responsables de ce travail : les bourrelets cicatriciels, siège d'une intense activité du cambium. Pour que ce travail de cicatrisation soit efficace et rapide, évitant ainsi les infestations par des agents pathogènes, il faut éviter de faire des coupes de gros diamètre et éviter d'augmenter les surfaces coupées en minimisant l'angle de coupe. Cette activité de cicatrisation est fonction de l'état de santé de l'arbre (inversement, on peut utiliser la vitesse de cicatrisation d'une plaie pour évaluer l'état d'un arbre) ; selon le stade de développement ou selon le lieu dans la plante, la cicatrisation sera plus ou moins efficace.

Les actions et les réactions

Nous allons passer en revue trois grandes situations (loin d'être les seules !!).

Les jeunes plants  planche 10

Le premier exemple traite de la reconstruction de cime à partir de jeunes plants de Platane. Face à de telles situations, grandes sont les tentations de tailler, de mettre de l'ordre dans tout ce fouillis de tiges. Pourtant, si l'on ne fait rien, certaines de ces tiges vont se mettre à dominer et si les conditions de croissance sont bonnes, petit à petit en une quinzaine d'années, l'arbre constitue une cime tout à fait comparable à celle d'un arbre naturel. Les interventions consistant à favoriser l'élagage des parties basses sont les seules envisageables. L'architecture de la plante se met en place progressivement et dans des situations de mise au gabarit, on procédera à un élagage précoce et suivi dans le temps pour que la physiologie de l'arbre ait le temps de se rééquilibrer.

Les tailles architecturées  planche 11

Dans ce genre de démarche, l'acte le plus important est la préparation des jeunes plants, puis la régularité des tailles dans le temps.
Les connaissances acquises (travaux de G. Bory) en physiologie végétale sur la localisation des réserves et de leur mobilisation permettent d'expliquer les problèmes de reprise après des changements radicaux de type de taille (exemple des tailles en têtard, tête de chat...). Ces changements brusques de type de conduite amènent à l'ablation des zones de réserves. De fait l'arbre se trouve épuisé et extrêmement sensible à un dépérissement.

Les formes libres  planche 12

Les arbres dits en forme libre sont sujets à un élagage concernant le bois mort mais sont aussi, pour des raisons de sécurité ou de contexte urbain, amenés à subir de profondes restructurations de leur houppier (étêtage, mise au gabarit, ablation de charpentière...).
Les conséquences de ces actions sont très variables selon l'état de développement de l'arbre traité. Les problèmes de reconstruction d'une cime après étêtage peuvent entraîner soit un trop fort développement (dangerosité à cause de la prise au vent et de la faiblesse des diamètres) qu'il faut traiter comme un perchis (sélection des brins forts et raccourcissement modéré), soit une nanification du houppier à cause d'un état de vigueur faible de l'arbre traité qui se trouvait déjà à un stade de développement avancé.
Une des conséquences fréquentes de ces actions est la manifestation de rejets sur les parties basses de l'arbre et souvent sur le tronc. Bien entendu, ce problème des rejets est plus général que celui de la forme libre, il reflète un déséquilibre au sein de l'arbre. L'expression des rejets peut survenir :

  • sans intervention traumatique et révèle alors un déséquilibre physiologique ou plus naturellement un état de vieillissement avancé ;
  • après un fort traumatisme et révèle un changement des conditions d'éclairement ou un manque de développement du houppier en place (arbre en compétition, dominé).

Les remèdes sont nombreux et pas encore miraculeux!! Ils vont de la taille répétée et systématique à l'application de réducteurs de croissance.
De ces quelques exemples, il apparaît tout d'abord que l'état de l'arbre et le contexte dans lequel il pousse doivent toujours être pris en compte, cette double considération dicte les actions à mener et les réactions qui s'en suivront. Si l'environnement et l'historique d'une plantation peuvent être plus ou moins bien étudiés avec une bonne connaissance historique, comment faire un état de l'arbre lui-même ?

A-t-on des méthodes pour établir un diagnostic de l'arbre ?  planche 13

A partir de travaux précis sur le Platane ou le Hêtre, la connaissance poussée du développement de ces espèces permet à un spécialiste d'établir d'ores et déjà une classification des arbres et des différentes réponses à telle ou telle action de taille. Il est même possible de présager des réponses futures des arbres à une action de taille précise. Mais bon, c'est la première étape, il faut que le diagnostic soit aussi abordable pour des non spécialistes du développement de l'arbre. Il faut fournir aux professionnels de l'élagage des outils prêts à l'emploi. Cela passe par la recherche de critères globaux tels que la localisation des rejets dans un arbre (haut ou bas de l'arbre, en périphérie de la cime ou près du tronc...), l'existence de fourches (les différences de diamètre, leur hauteur d'insertion...), la structure des pousses annuelles (longueur, ramification...). Cette recherche s'effectue à partir d'études en milieu forestier et aussi à partir de protocoles sur des arbres en milieu urbain.
Enfin, pour terminer, voici deux types de réactions par rapport à la taille qui sont liées pour les premières à l'essence traité et pour les secondes à l'état de développement de l'arbre.

Les incompris  planche 14

Certaines essences ont des comportements quelque peu déroutants, et le manque de connaissance à leur égard amène à des pratiques de taille inutiles.

Plus on les coupe, plus il faut les couper

Le Févier d'Amérique en alignement ou le Châtaignier en plantation sont inlassablement taillés pour les remettre dans le « droit chemin ». Mais obstinés qu'ils sont, penchés à nouveau, ils reprennent leur croissance vagabonde. De réputation exécrable, leur conduite s'avère difficile. Pourtant, l'observation de sujets ayant poussé sans la main de l'homme, nous révèle des arbres au tronc parfaitement rectiligne ! Par quel miracle ce phénomène se réalise-t-il ? En fait, ces espèces ont des phases de jeunesse qui nécessitent un temps d'installation, d'où leur croissance faible et apparemment inorganisée sans tête bien déclarée. Chez le Châtaignier, il y a une succession de relais de plus en plus vigoureux permettant l'édification d'un tronc. Chez le Févier, l'air penché de son tronc n'est que passager, avec la croissance en épaisseur celui-ci se redresse et devient aussi droit qu'un I.

Laissez-les fleurir !

Quelle belle floraison que celle du Paulownia, encore faut-il lui laisser des axes pour l'exprimer ! Cet arbre présente une mise en place très originale de son tronc. Tout au long de la phase de jeunesse, il édifie une tige principale arborant des feuilles de plus en plus gigantesques puis sa partie terminale meurt. Des branches se développent alors et souvent de manière très vigoureuse. Vers la fin de la saison de croissance, on peut observer des boutons marrons duveteux sur toutes les extrémités d'axe : ces boutons floraux vont passer l'hiver pour s'ouvrir au printemps en une fabuleuse floraison mauve. Le tronc en définitive est construit par la succession de plusieurs axes de plus en plus vigoureux, issus de la portion de tronc précédente, et se relayant au cours des années successives. Souvent dérangé ou surpris par l'incroyable poussée de croissance de cet arbre, le gestionnaire préconise un rabattage violent des tiges. Cette opération supprime par la même occasion toute possibilité de floraison, .... mais renforce la croissance future de la plante ! Le tronc est ainsi retardé dans son mécanisme de mise en place.

Tout a une fin  planche 15

La notion d'arbre est souvent liée à un organisme de grande taille mais aussi à l'idée que l'organisme est longévif, d'où le recours à des pratiques plus de conservation que d'entretien, parfois appliquées à coup de financements abusifs.

La pérennité des arbres

Cette notion temporelle est tellement forte que le mythe des vieux arbres est un phénomène qui a toujours été remarqué (aspect mystique, arbres sacrés, ...). Que les arbres soient 5 fois millénaires, millénaires ou plusieurs fois centenaires, cela leur donne toujours une autre dimension temporelle par rapport à la vie humaine. Ce phénomène amplifié et quelque peu exagéré, amène à la croyance de l'immortalité des arbres.

S'il est vrai que les successions de rejets d'Oliviers, de Châtaigniers, de Pinus aristata peuvent donner aux souches un âge vertigineux, le passage à l'immortalité peut être déclencheur de pratiques de conservation quelque peu surprenantes.

La sénescence

Les arbres ont le droit de mourir! Plusieurs systèmes semblent exister. On peut les résumer rapidement :

  1. l'arbre grandit très progressivement et meurt d'un coup, toute la cime se dessèche ;
  2. l'arbre se dégrade petit à petit, épuisant, en une lente agonie, tous ses points potentiels de croissance (descente de cime) ;
  3. l'arbre finit par rejeter de la base du tronc donnant naissance à une nouvelle structure, et c'est reparti pour un tour !

C'est la stratégie 2 qui pose le plus de problème quant à la taille. Faire la part entre la sénescence ou le dépérissement comme cause de ces phénomènes reste encore délicate à établir. Quand l'arbre est jeune, la manifestation soudaine de nombreux rejets, en des points particuliers de la plante ou de façon globale, peut faire penser à un dépérissement. Dans ce cas, on peut rechercher les conditions de croissance qui ont brutalement changé pour essayer d'y remédier. Quand l'arbre est déjà âgé, la connaissance précise des états de développement peut permettre de faire la part entre dépérissement et vieillissement naturel, mais cela reste toujours délicat voire impossible.

Les différents modes de construction d'un tronc Edification des végétaux Conclusion